Rencontre avec Bertrand Cabanes, producteur et transformateur de céréales bio en pâtes artisanales à Salles (47)
Chez les Cabanes, à Salles, l'agriculture au pays des bastides, c'est avant tout une affaire de famille depuis plus de six générations ! Bertrand, l'aîné âgé de 29 ans, pensait y échapper. Mais après avoir vaguement tenté des études dans l’immobilier, il est revenu au bercail. Son frère, Adrien, avait déjà fait son nid au sein de l'exploitation familiale convertie à l'agriculture biologique par leurs parents en 2010. Aux 160 hectares de céréales, les frangins ont intégré 16 hectares de pruniers. Mais pour pérenniser son retour à la ferme, avec l'aide de la famille, Bertrand s'est lancé dans la transformation du blé dur en pâtes artisanales. Commercialisées en partie avec l'aide de Terres du Sud, elles font désormais la renommée de la ferme.
J’ai choisi de transformer nos productions et de les valoriser en circuit-court
Interview
Vous pouvez nous parler de l’exploitation familiale ?
NOUS AVONS essentiellement des céréales, sur 160 hectares. On a aussi 7 hectares de prunes en production et 9 hectares de jeunes pruniers qui vont bientôt produire. C’est surtout mon frère Adrien qui est dans les champs.
Vous produisez en agriculture biologique ?
Oui, depuis 2010, c’est nos parents qui ont fait la conversion. C’était avant tout d’un point de vue financier, mais aussi pour éviter les traitements. Notre mère en avait marre d’aller dans les champs avec le pulvérisateur, pour rentrer des fois un peu malade. Il n’y avait pas trop de prévention à l’époque.
Pour les céréales, vous avez toujours fonctionné avec la coopérative Terres du Sud ?
Oui, c’est toujours les techniciens de la coopérative qui nous ont apporté leurs conseils pour les assolements, la rotation des cultures et pour nous aiguiller vers ce qu’il fallait planter en fonction du marché. Ils nous informent aussi des contrats qui peuvent être proposés par la coopérative, notamment sur la production de semences. Sinon, les techniciens passent trois fois par saison environ. Ils sont là pour nous dire s’il y a des maladies et comment faire pour y remédier.
Quand avez-vous rejoint l’exploitation familiale ?
Récemment. En fait, je ne me destinais pas à l’agriculture, j’ai fait des études sur Toulouse dans l’immobilier. Après avoir fini mon BTS, ça ne me plaisait pas du tout, donc je suis revenu dans la maison familiale. Après quelques petits boulots, mes parents m’ont pris en tant que salarié sur l’exploitation. J’ai travaillé six mois comme cela et ça me plaisait d’être au sein de ma famille et de travailler la terre. C’est là où je me sentais le mieux.
Comment s’est adaptée l’exploitation avec votre arrivée ?
Il fallait générer un salaire de plus donc trouver des débouchés. Il fallait soit acheter des terres en plus, soit se diversifier. Pour ma part, je trouvais plus logique de développer déjà ce que l’on a et de mieux le valoriser. C’est pour ça que j’ai pensé à la transformation, pour pousser nos produits un peu plus loin que la production. Et puis le contact plus commercial avec nos partenaires et nos clients, c’est aussi quelque chose que j’apprécie.
Vous vous êtes orienté vers quelle transformation ?
Au départ, l’idée était plutôt de faire de la farine, mais il y en avait déjà des producteurs dans le voisinage, je n’avais pas envie de concurrencer tout le monde. Je craignais aussi que la demande ne soit pas aussi forte que cela sur la farine. Bon, ça, c’était avant la crise du Covid et les confinements qui ont vu les ventes de farine exploser !
Donc vous avez cherché une autre voie ?
En cherchant les moulins à farine, j’ai trouvé une machine à pâtes ! J’ai un peu creusé le sujet, et nous avons eu un bon contact avec la personne qui vendait la machine. On a visité une ferme déjà équipée, et on s’est dit « banco, c’est parti ! ». On a commencé comme ça à transformer notre blé dur en farine puis en pâtes.
C’est facile à faire ?
Ce n’est pas très compliqué. La personne qui vient installer la machine reste chez vous le temps que vous arriviez à faire vos pâtes tout seul. On a fait deux productions et c’était bon en quatre jours. Puis c’est sur le tas qu’on s’améliore.
Vous avez rapidement élargi votre gamme de produits, avec des pâtes aux cèpes, au basilic et à plein d’autres goûts ?
Oui, on essaie de se différencier ! Les condiments par contre, on ne les produit pas, on les achète. On les insère avec la farine, cela donne du goût et de la couleur aux pâtes.
Un jour, vous avez donc expliqué à Terres du Sud que vous faisiez des pâtes bio ?
Oui, c’est ça. Mon but, c’était de les vendre dans les magasins Gamm vert du groupe Terres du Sud, sachant qu’ils y proposent des produits locaux. Courant 2018, je suis donc allé à leur rencontre.
Quelle a été leur réaction ?
Ils voulaient goûter d’abord avant de donner une réponse. C’est quand même normal d’évaluer la qualité des produits avant d’en faire quelque chose. La dégustation leur a plu et on a trouvé un accord pour référencer nos produits dans les enseignes “Le Goût de nos Campagnes” des Gamm vert du groupe.
Comment cela se passe-t-il au niveau logistique ?
C’est un des avantages. Je ne livre qu’au Gamm vert le plus proche, en l’occurrence celui de Monflanquin. Après, ils intègrent les colis dans leurs tournées entre les magasins, et les dispatchent sur tous les magasins Gamm vert de la région. C’est du circuit court !
Ces ventes représentent quelle part pour vous ?
Entre 5 et 10 %, on pourrait aller plus loin car nous sommes en capacité de doubler, voire de quadrupler notre production. Actuellement, on est à une ou deux productions de pâtes par semaine. On pourrait aisément passer à une par jour, mais ça nécessiterait le recrutement d’un employé.
Vous commercialisez vos pâtes ailleurs ?
Oui, on a monté une petite boutique à la ferme qui ouvre deux demi-journées par semaine et on fait les marchés de Monflanquin et Villeréal. On travaille aussi avec des épiceries fines, des commerces bio et des magasins qui font du vrac.
Vous avez un label ?
On a le label bio sur toute la ferme et sur toutes les céréales, des analyses sont effectuées pour démontrer qu’il n’y a pas d’OGM ou d’utilisation de pesticides.
Et pour la partie production de pâtes ?
Les contrôles se font en même temps que les céréales. Ça nous permet de pouvoir apposer la certification de la marque AB, pour Agriculture Biologique, sur nos paquets de pâtes. On est aussi en train de travailler sur la certification HVE (Haute Valeur Environnementale). Ça nous permettra aussi de mieux valoriser nos prunes.
Vous avez d’autres projets ?
On vend aussi de la farine, notamment à Terres du Sud, parce qu’au final on a fini par acheter notre moulin pour produire la farine destinée aux pâtes. On souhaite développer les farines spéciales, pour lesquelles on a acheté un second moulin.
Financièrement, vous vous en sortez bien ?
Si on arrive à faire un peu plus de transformation, ce sera bon. Aujourd’hui on va dire qu’on est comme une entreprise nouvelle, une « start-up » de l’agroalimentaire.