Rencontre avec Raphaël Varachaud, éleveur de palmipèdes gras à Saint-Mathieu (87)
À 25 ans, Raphaël Varachaud apporte un souffle de jeunesse à l’élevage de canards. Après avoir réussi à ne pas devenir chèvre quand il s'est installé en 2017, à Saint-Mathieu en Haute-Vienne, pour former un GAEC avec ses parents qui élèvent 400 caprins, il a d'emblée choisi la voie des innovations. À tous les niveaux, que cela soit pour le bien-être de ses canards ou pour se faciliter le travail. Avec l'appui de Terres du Sud, il a notamment développé un superbe outil de travail : un bâtiment de 2.000 m² pouvant accueillir 10.000 canards, entièrement connecté. Qu'elles soient numériques, techniques, mécaniques ou agroécologiques, peu de solutions innovantes échappent à Raphaël Varachaud.
J’ai choisi l’innovation pour le confort de mes canards et pour le mien !
Interview
C’est surprenant de voir un jeune agriculteur comme vous qui se lance dans l’élevage des canards alors que ses parents ont élevé des vaches laitières et des chèvres ?
NOUS AVONS toujours eu des volailles en basse-cour et moi j’ai très vite accroché avec les canards. Je n’ai pas voulu faire de la vente directe, aller sur les marchés, ce n’est pas trop mon truc. C’est pourquoi je me suis lancé dans l’élevage pur.
Que représente votre exploitation aujourd’hui ?
Au sein du GAEC, mes parents ont 400 chèvres et, pour ma part, je me suis installé avec mes canards avec un bâtiment de 10.000 places. Mon bâtiment fait 2.000 m².
Comment cela s’est mis en place ?
J’étais en stage à Chalus (Haute-Vienne) dans le secteur du canard et c’est mon maître de stage qui m’a fait connaître le groupe Terres du Sud. J’avoue que je ne connaissais pas ce groupe coopératif auparavant.
Tout ce que vous avez entrepris depuis votre installation en 2017 est très innovant.
On va dire que j’ai essayé. J’adore les nouvelles technologies même si je ne suis pas un expert.
Vous avez notamment un bâtiment connecté, vous pouvez nous dire de quoi il en retourne ?
J’étais parti sur un projet de bâtiment tout simple à 8.000 places et au moment de faire les devis, avec le technicien, on voyait que les normes étaient en train de changer. On a donc décidé de basculer sur un bâtiment répondant directement aux normes qui arrivaient. J’étais le premier à faire un bâtiment de 2.000 m² d’un seul bloc avec Terres du Sud. Et j’ai eu l’intuition d’amener internet au bâtiment pour être le plus moderne possible.
Qu’est-ce qu’il a de si innovant, votre bâtiment ?
Il est quasiment tout automatisé ! J’ai une tablette qui me permet de gérer la quantité d’aliments de mes canards, mes consommations d’eau également. On peut aussi programmer et réguler la ventilation en fonction de l’âge des canards et de leurs besoins.
Tout est connecté, même pour la température du bâtiment et l’hygrométrie ?
On a rentré des courbes avec les techniciens de Terres du Sud et ensuite, elles s’adaptent en fonction de l’évolution des canards. Tout est modulable et pratique, comme pour l’alimentation.
Si un jour vous rencontrez un souci, le groupe Terres du Sud peut prendre la main sur le bâtiment ?
Tout à fait, il y a trois comptes qui permettent d’accéder au pilotage numérique du bâtiment, dont un pour les techniciens de Terres du Sud qui peuvent régler des problèmes au besoin si je n’y arrive pas moi-même. Il y a aussi un compte pour l’électricien, au cas où. Je touche du bois mais, pour l’heure, j’ai réussi à résoudre mes difficultés tout seul. Au pire, j’ai eu les conseils des techniciens par téléphone.
Pour la traçabilité de vos canards, c’est géré de la même manière ?
Pour la traçabilité, je passe par Certi’Ferme pro*. J’y rentre toutes mes données sur ma production de canards en cours. Cela veut dire tout ce qui est consommation, indices de poids, etc. Ça permet de faire une fiche de suivi de l’élevage, jusqu’au départ pour le gavage. Après on l’enregistre et on peut comparer avec les lots de canards précédents. Ça permet de garder une trace. C’est plus facile à retrouver que sur le papier et la traçabilité est nickel ! C’est bien plus pratique pour le suivi de l’IGP Périgord (Indication Géographique Protégée), pour la démarche d’éthique professionnelle « Palmi G confiance** » ou encore pour la certification donnée par Qualisud.
*Certi’Ferme pro : outil de traçabilité et de pilotage de la performance par la data
**Palmi G confiance : démarche lancée par les professionnels du foie gras, visant à garantir les bonnes pratiques les éleveurs en matière de bien-être animal
Vous utilisez la même tablette que pour le bâtiment connecté, pour renseigner vos données ?
Non, je renseigne tout sur mon ordinateur fixe que je ne déplace pas, situé dans le bâtiment des canards. Mais Terres du Sud est en train de l’améliorer pour nous faciliter la tâche. Les données que l’on a sur l’ordinateur fixe du bâtiment vont pouvoir être transférées directement sur la tablette, plutôt que de les retranscrire de l’un à l’autre. Ce sera un vrai gain de temps.
Ces innovations profitent aussi aux consommateurs, notamment en termes de traçabilité ?
C’est vrai que toutes ces données peuvent être utilisées assez facilement pour rassurer les consommateurs. Il y a d’ailleurs depuis deux ans une blockchain en place sur la filière, c’est un outil de transparence alimentaire. Avec un QR Code sur l’emballage, le consommateur peut connaître la vie des canards de A à Z.
L’innovation, vous la pratiquez aussi en matière d’agroécologie, via l’agroforesterie ?
On plante pas mal d’arbres en effet, que ce soit dans le parcours dédié aux canards et en dehors d’ailleurs. Le parcours fait 7,60 hectares avec 2 ha de bois, mais il y avait une parcelle sans arbre. Et les canards, l’été, quand il fait bien chaud, en plein soleil, ils n’aiment pas trop ça ! Pour qu’ils puissent bénéficier de l’ensemble du parcours avec de l’ombre, j’ai planté des arbres dès mon installation.
Quel type d’essence avez vous planté ?
On est parti sur du châtaignier parce qu’on veut de l’ombre, mais on s’est dit qu’on pouvait faire un petit revenu supplémentaire avec ces arbres. On va donc essayer de faire une petite production de châtaignes.
Vous vous êtes aussi lancé dans la culture innovante du switchgrass ?
Oui, je viens de le planter sur 2 hectares. Je n’ai pas encore eu de production, la première récolte interviendra en 2022. Je veux m’en servir en paillage pour la litière de mes animaux sous forme de granulés, à la place des granulés de paille que j’achète actuellement. C’est nouveau, les cannes de switchgrass ont un meilleur pouvoir absorbant, je verrai avec le temps si c’est plus avantageux économiquement.
Comment faites-vous pour pailler votre bâtiment ?
Pour ça aussi j’ai une belle innovation ! Si je devais pailler le bâtiment à la main, il me faudrait la journée ou presque. J’ai investi dans une pailleuse à granulés : pailler mon bâtiment ne me prend qu’un quart d’heure. Au niveau confort de travail et effort physique, c’est le jour et la nuit. En plus, avec la pailleuse, on utilise des bouchons de paille broyée et non pas de la paille telle quelle. C’est plus confortable pour les canards, ça leur fait une sorte de tapis doux, c’est moelleux.
Justement, en matière de bien-être animal, vous avez mené d’autres actions particulières ?
Entre la litière nickel, l’ombre avec les arbres plantés, l’eau à volonté, mes canards, ils sont dans un 5 étoiles au sein de leur bâtiment ! Les animaux s’ils sont malheureux chez moi, j’ai du mal à le comprendre. Le bien-être animal, c’est le plus important.
Vous n’avez pas trop souffert de l’épisode de grippe aviaire ?
Mes animaux sont restés claustrés, comme partout. C’est aussi l’intérêt d’avoir un bâtiment neuf avec de la place pour accueillir les canards, ça a été un peu moins difficile pour eux. Ça a dû être plus compliqué pour les éleveurs qui ont de vieux bâtiments je suppose.
Et pour l’avenir, vous envisagez quoi ?
On avait un gros projet pour un second bâtiment avec Terres du Sud mais avec la crise du Covid, on a préféré rester prudents et attendre un peu. On espère tous que les débouchés vont repartir. Je tiens à souligner qu’on a la chance avec Terres du Sud d’avoir un groupe coopératif très présent au niveau humain. Les techniciens sont derrière nous, quand ça va bien mais aussi quand ça va mal. C’est très important et appréciable.